Comment se développe une addiction au jeu ?

L’addiction au jeu s’installe progressivement et peut être distinguée en trois phases successives :
- Phase de perception des gains : Premiers pas dans le monde du jeu, avec peut-être la croyance que les gains vont résoudre ses difficultés. La mémoire sélective se rappellera plus des gains que des pertes.
- Phase de perception des pertes : Les pertes deviennent conséquentes mais le joueur ou la joueuse s’accroche au jeu dans l’espoir de « se refaire ». On observe alors une augmentation du comportement problématique (phénomène de tolérance) ainsi qu’une tension ou une nervosité lorsque le comportement ne peut être accompli (phénomène de sevrage).
- Phase de désespoir : les pertes financières sont conséquentes, la personne veut continuer de jouer mais n’en a plus les moyens. Le joueur ou la joueuse est confronté·e aux conséquences négatives du jeu et aux difficultés qui s’accumulent avec des conséquences psychologiques sur sa personne. C’est aussi un moment critique d’un point de vue relationnel (famille, emploi etc.).
Les raisons qui poussent à continuer de jouer
Comment se développe une addiction au jeu ? Il n’y a pas de réponse simple à cette question complexe que les chercheurs et chercheuses s’efforcent de comprendre. Toutefois, plusieurs pistes sont fréquemment citées 1 2 :
- Le jeu comme échappatoire temporaire à des situations inconfortables, comme l’ennui, le stress, la dépression ou le deuil. De cette manière, le jeu procure un répit temporaire face à des difficultés professionnelles ou personnelles. Cela peut produire un soulagement pour la personne et le jeu devient alors une distraction attirante.
- L’excitation du jeu et la possibilité de gagner de l’argent peut procurer un tel plaisir aux personnes qu’il est difficile pour elles de s’arrêter. Cela se poursuit malgré les problèmes que le comportement de jeu cause. On parle alors d’aspect « stimulant » du jeu.
- L’effet des gains intermittents peut également jouer un rôle significatif. Toutes les personnes qui jouent gagnent de temps à autre, c’est pourquoi l’arrêt du jeu est encore plus difficiles pour certaines. En effet, ces personnes restent convaincues que leur prochaine mise pourrait être la bonne.
- Le phénomène de « renforcement », qui consiste à être captivé par le caractère répétitif du jeu lui-même mais aussi par les stimulations visuelles et sonores qui l’accompagnent (par exemple pour des machines à sous).
- Le jeu excessif implique de consacrer du temps, de l’énergie et souvent beaucoup d’argent aux activités de jeu. Certaines personnes qui jouent commencent à voir leurs dépenses comme un « investissement » et non comme un coût de divertissement. Elles sont alors prises dans une spirale et cherchent à récupérer leur « investissement » en continuant de jouer, sans se rendre compte des effets négatifs qui peuvent impacter leur quotidien.
Il existe également d’autres facteurs importants qui participent au développement de l’addiction au jeu comme les facteurs de risque.
Le renforcement intermittent

Lorsqu’une personne joue et gagne, elle vit une expérience positive. Elle va alors chercher à revivre cette expérience. Plus elle gagne plus elle va vouloir jouer, « tenter sa chance ». Le lien jeu-expérience positive se renforce. Cet apprentissage s’appelle « renforcement positif ». 1 2
Ce renforcement peut être intermittent. C’est-à-dire que les expériences positives (les gains) surviennent de manière irrégulière. Cela contribue dès lors à l’installation d’un problème de jeu. En effet, comme les gains ne sont pas réguliers, la personne est amenée à jouer longtemps, en espérant chaque fois que l’issue de la partie sera positive.
Beaucoup de personnes ayant développé un problème de jeu rapportent avoir gagné un gain important au début de leur « carrière » de joueur et de joueuse. Leur comportement s’ancre sur cette expérience, nourrissant la croyance de reproduire un tel gain.
Mesures à prendre pour éviter l’effet du renforcement intermittent
Pour contrer cela, il existe différentes stratégies et mesures possibles :
- Par rapport aux finances :
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- Laisser les cartes de débit et de crédit chez soi avant d’aller jouer
- Mettre en place des virements bancaires permanents pour les factures de base (loyer, assurances, etc.)
- Annuler les cartes de crédit
- Par rapport au comportement de jeu :
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- Utiliser l’outil d’auto-exclusion de jeu
- Planifier d’autres activités de loisirs que le jeu, comme aller au cinéma, faire du sport etc.
- Par rapport à de l’aide externe :
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- Demandez un co-signataire pour vos retraits bancaires
- Parlez de votre problème de jeu à des personnes de confiance
Pensées magiques et fausses croyances
L’addiction au jeu est fortement liée à de fausses croyances et à la pensée magique. Elles renforcent l’espoir de gagner, et poussent à jouer davantage.
Exemples de croyances erronées
Voici les principales croyances erronées 3 :
- Si quelque chose ne s’est pas produit depuis longtemps, par exemple un numéro noir à la roulette, il y a plus de chances que cela arrive bientôt.
- Il existe des « passes chanceuses », qu’il est possible de reconnaître et d’exploiter pour continuer à gagner.
- Je peux prédire l’issue des jeux de hasard.
Exemples de pensées magiques
Voici des exemples de pensées magiques 3 :
- Il existe des trucs pour battre le hasard et je suis sûr·e que je les ai trouvés !
- Il y a de bons et de mauvais billets, ou de bonnes et de mauvaises machines.
- Je parie toujours sur la même équipe. Si je change mon pari, je risque de diminuer mes chances de gagner.
- À force de jouer, je vais gagner.
- Je vais mieux jouer la prochaine fois parce que je connais mieux la machine.
- Cette fois-ci, je vais gagner, je le sens.
- Je savais qu’aujourd’hui n’était pas une bonne journée.
- Je dois jouer pour regagner l’argent que j’ai perdu hier.
- De toute façon, je n’ai rien à perdre.
- Si je gagnais, j’arrêterais de jouer !
- Jouer m’aide à me défouler quand je suis frustré·e !
Mécanismes psychologiques : A retenir

Deux principes fondamentaux :
- L’espérance de gain négative est toujours garantie : les pertes seront toujours plus grandes si l’on rejoue ce que l’on a gagné.
- Et l’indépendance des tours est elle aussi garantie : à chaque tour, les chances sont réinitialisées. Les parties ne sont pas liées et les issues ne sont pas prévisibles.
Les croyances et la pensée magique vont à l’encontre de ces deux principes fondamentaux et poussent les personnes à jouer.
Biologie

Une base biologique semble commune aux problèmes d’addiction, y compris le jeu excessif.
L’information circule dans le cerveau notamment sous la forme de messagers chimiques, les neurotransmetteurs. La dopamine est un neurotransmetteur qui est impliqué dans le vécu de récompense et dans l’apprentissage. On dit alors qu’il y a un renforcement positif du lien entre l’action de jouer et la récompense. L’agréable vécu de récompense sera de plus en plus fortement associé au jeu.
Le circuit de la dopamine serait déréglé chez les personnes sujettes aux addictions, provoquant une sensation de tension. Le jeu serait alors utilisé comme un moyen de réguler le niveau de dopamine, diminuant ainsi momentanément les sentiments de tension.
Environnement socio-économique

Dans la compréhension de l’addiction au jeu, la recherche se focalise principalement sur les « joueurs et joueuses pathologiques ». Or, ce faisant, l’environnement socio-économique des jeux d’argent n’est pas considéré alors qu’il joue pourtant un rôle clé.
Plus l’offre de jeux est accessible et dense, plus la prévalence d’addiction aux jeux augmente. Le développement du marché des jeux d’argent les a rendus toujours plus accessibles et admis socialement, jusqu’aux jeux en ligne d’aujourd’hui.
Ceux-ci sont à plus haut risque en raison de leur disponibilité 24h/24. La pratique de jeu peut être discrète, sans encadrement de sécurité et sans surveillance sur l’état de conscience du joueur ou de la joueuse, éventuellement sous l’effet de l’alcool, des drogues ou de médications.
Il est donc impératif de considérer le rôle de l’industrie et de l’accessibilité aux jeux dans le développement et le maintien d’une addiction. L’individu n’est en effet pas le seul garant de ses difficultés.
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- 20 réponses sur les troubles liés aux jeux d’argent.(2014). Centre du jeu excessif – CHUV[↑][↑]
- Williams, R. J., West, B. L., & Simpson, R., I. (2012). Prevention of Problem Gambling : A Comprehensive Review of the Evidence and Identified Best Practices.[↑][↑]
- FAQ. (2019). Centre du jeu excessif – CHUV[↑][↑]